Il fixait ce tapis d’étoile, juste au-dessus de sa tête, le calme environnant pour seul compagnon présumé. Le Prince de Plegia avait pris part –exceptionnellement – à une soirée organisée par les suiveurs de son pays en Ylisse ; ceux-là même qui étaient censé le protéger de tout tracas possible et envisageable. Seulement voilà, ses hommes s’étaient mis à boire copieusement et, quand bien même il avait refusé les premières coupes, par manque d’intérêt, la simple vision de ces gaillards tout guillerets l’avait finalement poussé au vice. Il avait d’abord liquidé le contenu d’un verre, sous prétexte de ne pas « vexer » autrui –alors que tout le monde savait qu’il n’en avait que faire, d’ordinaire. Puis un second, un troisième. Et ainsi de suite.

Cela dit, il était tout de même resté étonné de voir la soirée s’écourter à cause du manque de vaillance des troupes Plegiennes ici présentes. Il ne savait pas si ceci faisait œuvre d’une généralité des plus pathétique – au fond, il ne le souhaitait pas vraiment… - ou simplement le reflet du manque d’endurance de ses « protecteurs », mais quoi qu’il en fut-ce, il était le dernier debout et encore suffisamment sobre pour se tenir droit et réfléchir de manière cohérente.

Ainsi, ne voulant pas être enfermé jusqu’à s’endormir, le mage noir était ressorti, vêtu sobrement, avant de se diriger de façon aléatoire. Et le voici, les yeux levés vers le ciel sans nuages, éclairé par une lune qui faisait luire sa chevelure avec des fils d’argent. Tout n’était que repos et plénitude. Il ne se serait jamais cru en plein centre-ville d'Ylisstol s’il ne l’avait pas pertinemment su. Mais à cette heure avancée de la nuit, tout le monde dormait – ou du moins, était supposé le faire- alors la vie dans les ruelles paraissait avoir déserté, tout simplement.

La nuit est prompte à toute sorte de rencontres, bonnes comme mauvaises.

Cela dit, il fallait bien reconnaître que les dernières citées étaient celles qui pullulaient le plus après le coucher du soleil, lorsque les bonnes personnes regagnaient leurs douillets logis, sans rien demander de plus si ce n’est un repos bien mérité. Le prince le savait, pourtant. Mais ça ne l’avait malgré tout pas arrêté pour aller se promener, seul, dans des rues tout sauf accueillantes pour sa royale personne. Sans doute l’alcool avait inhibé son instinct de survie au point qu’il ne puisse plus comprendre la réalité des choses pendant un court instant.

Et puis, alors qu’il fixait toujours le ciel parsemé d’étincelles, étrangement serein, des bruits de pas se firent entendre, non loin de lui. Oh ? Un voleur, un détrousseur ? Peu probable. Il n’avait certes que peu de connaissance dans un domaine d’activité autre que le sien mais il paraissait étonnant qu’une personne de cette profession se fasse repérer si facilement. Mais qui d’autre pourrait ainsi errer dans les ruelles, autrement ?

C’est à cet instant que Venn réalisa qu’il était encore dans l’obscurité, tout dissimulé à la vue d’autrui. Et cette silhouette en face de lui ne saurait être clairement distinguée s’il ne prenait pas la peine de s’extirper de son bien étrange foyer éphémère. Aussi, poussé par une certaine curiosité dangereuse, le voici qui s’avance, se dévoilant à la lumière lunaire juste au-dessus de lui.

C’est là que sa mémoire se décide à travailler un petit peu. Il semble reconnaître cette donzelle en face de lui. Il l’avait déjà vu plusieurs fois, cette ravissante blonde au visage trop doux pour être véritablement angélique. Pourtant, présentement, son nom lui échappait. Il tenta donc une approche, sans vraiment comprendre lui-même la raison de son acte. « Oh, mais tu es la couturière, n’est-ce pas ? »

Plus tard pour les formalités.