« De la neige...Regarde, Pegasus. C'est de la neige. Cela faisait longtemps qu'on a pas pu profiter d'une telle vue ensemble, pas vrai ? »

Hormis ces trois années de soi-disant paix, notre vie n'était qu'une vieille illusion, voire un cauchemar. Il était difficile pour nous de reconnaître une véritable situation d'un mirage que notre esprit avait créé par naïveté. Les seules vérités n'étaient autre que nos instants passés ensemble. Mais lors de ces moments, on n'avait aucun endroit où respirer de l'air pure, ou bien admirer un paysage idéal. Tout était déjà parsemé de poison autant inodore qu'invisible. Notre vie en...Non, ma vie en elle-même était déjà empoisonnée dès ma naissance. Depuis ce moment où tout m'avait été révélé, c'était la première que je me sentais dans une place naturelle, malgré les installations humaines qui étaient ici et là.

Oui, c'était bien la première fois que mon cœur était aussi apaisé dans un environnement aussi réconfortant. Même lors de ces dernières années, suite à la défaite sans doute temporaire de ces étranges ombres, je n'avais eu de sensations identiques. Alors donc, pourquoi maintenant ? Le fait d'être accepté m'avait tant affecté ? Le fait que l'on me dise que j'ai l'étoffe d'un véritable champion, que j'en suis devenu un m'avait tant affecté ? Je n'avais pas la réponse à mes questions. Je ne voulais que lâcher des larmes. Néanmoins, je savais que j'avais déjà renié mon humanité. Aucune perles ne sortirent de mes deux joyaux rouges. Seul un léger sourire se dessina sur mon visage.

« Pegasus. Tu crois que...Je suis devenu un monstre ? »

Mon fier ami ne me répondit point. Ma question l'avait probablement perturbé. Malgré tout, je connaissais déjà sa réponse. Il ne le pensait pas du tout. Pour lui, j'étais encore ce jeune garçon avec qui il s'amusait autrefois. J'étais encore cet innocent petit homme qui avait les yeux plein d'espoir. Rien que de penser cela arrivait à faire perdurer mon sourire.

« Pegasus...Tu crois que...Je devrais de nouveau ouvrir ces portes ? »

Encore une fois, je ne reçus aucune réponse. Je ne savais même pas s'il m'avait bien compris, mais j'étais persuadé qu'il allait le réaliser un peu plus tard. Je parlais bien entendu des portes de la forteresse qui garde mon cœur. Depuis longtemps, je refusais tout bonnement de me lier avec qui que ce soit. Pourtant, on m'acclamait, on me respectait, on me faisait confiance...Devrais-je...Non. Les humains sont tous hypocrites. J'étais persuadé qu'ils allaient me trahir au bout d'un moment. Je n'arrivais plus à faire confiance. Je ne comptais plus que sur Pegasus et moi-même. Le reste du monde importait peu.

Je souriais de nouveau après un doux soupir. Je rappelais Pegasus. Ici, j'étais sûr de ne pas pouvoir trouver de riches informations concernant les alentours, les probables camps de bandits, brigands et autres mécréants. Cependant, j'allais revenir plus tard, rien que pour profiter un peu plus du lieu avec Pegasus. Me retournant alors, j'avançais sans faire vraiment attention devant moi, mon regard étant porté sur mon camarade. Il revint assez rapidement à la place auquel il aurait dû être, suite à cet heurt. Par réflexe, je tendis la main devant moi afin d'aider à relever la demoiselle qui était au sol.

« Désolé, vous allez bien ? »

Cette main tendue ne fut au final d'aucune utilité. Ignorée, ou bien inaperçue, cette pauvre main qui était mienne n'avait même pas lieu d'avoir bougé. Je la regardai quelques seconde, puis la remis le long de mon corps. La demoiselle s'était levée d'elle même, préférant refuser mon aide plutôt que de l'accepter. Dans un cas, cela m'arrangeait aussi, n'ayant pas trop l'envie d'avoir un quelconque contacts avec les autres personnes à ce moment précis. Elle allait bien, c'était le principal.

Seulement, je ne pouvais pas me permettre cela. J'avais quelque responsabilité à prendre en tant que Champion. Certes, ce n'était qu'en forme, mais je ne pouvais nier toute cette nourriture, ainsi que cette chambre qui m'étaient offertes. Je devais prendre au minimum sérieux ce travail qui était aussi un moyen de relaxation, comme de pression. Bien que l'idée de partir comme si rien ne s'était passé me traversa l'esprit, je tentai une seconde approche, même si la jeune fille ne semblait pas apprécier les conversations.

« Existe-t-il un moyen pour me faire pardonner ? Je me sens réellement confus de vous avoir fait du 'rentre-dedans' actuellement. »

Rien ? Pas même l'ombre d'une réponse ? Alors, ce n'était pas uniquement ma main qui était ignorée, mais tout mon être. Je pouvais lâcher l'affaire, oui, mais Pegasus m'en persuada le contraire. Ce n'était pas inhabituel, mon ami adorait lorsque je montrais une once de sociabilité, même s'il savait que c'était en vain dans le fond. Oui, même si c'était moi qui approchait les individus, lui et moi savons parfaitement que cela ne me faisait ni chaud, ni froid. J'avais perdu cette sensation. J'avais perdu cela, la sensation d'aimer quelqu'un, autre que Pegasus.

« Je pourrais vous offrir quelque chose, ou même vous accompagner pour discuter un peu...Ou encore...Je ne sais pas... »

Je commençais alors à partir. J'avais vraiment abandonné.

« Je m'appelle Shaporo par ailleurs, si cela vous a vraiment gêné...Non, oubliez, cela ne sera que plus facile. »

Au final, elle ne m'ignorait pas totalement. Alors que j'étais sur le point de partir, elle avait fini par accepté. Bien que j'avais révélé mon prénom, ce ne fut pas de même pour la miss. Au final, j'allais le savoir probablement plus tard, par le biais d'une tierce personne, d'un écrit ou elle me le dira lorsque l'envie lui prendra...Quoi qu'il en soit, elle cherchait visiblement un endroit où loger. Pour être franc, dans les alentours, je ne voyais que cette auberge. Ce n'était pas le luxe, mais au moins, on y avait un toit et un lit.

Idiot hein ? Bon, je n'allais pas être contrarié par cela, c'est vrai que je l'étais parfois. Je pouvais au moins reconnaître cela. Cette idiotie, couplée à ma nature extrêmement têtue, c'était loin d'être la meilleure combinaison, mais elle était bien efficace pour rendre la vie difficile aux gens. Mais en vrai, ce qui posait le plus problème, c'était mon sens de la vie, quasi-inexistant.

En tout cas, je fus étonné lorsque la demoiselle me prit le bras. Même si on m'avait entraîné au contact physique, je n'étais pas encore tout à fait habitué. Mes jambes étaient en position de défense, par réflexe. Je n'avais qu'à tournoyer un peu, et je pouvais la renverser et avoir le contrôle total sur elle. Cependant, je revins très rapidement dans une position plus relaxée, quand j'aperçus que c'était bien la demoiselle avec qui je parlais quelques secondes auparavant.

« Eh bien, j'ai bien en endroit en tête. C'est une auberge, non loin d'ici. Vous êtes sûr que ça sera tout ? Je peux faire plus. Pegasus et moi pouvons en faire plus vous savez. Nous n'avons pas grand-chose à faire pour le moment... »

Il dirigea son regard vers son ami pour lui indiquer sa présence, au cas où la jeune ne l'avait pas remarqué. Quoiqu'il en soit, il avait déjà commencé à avancer vers l'auberge.

« Sinon, c'est par là. »

Célèbre ? Celui qu'on ne détrône jamais ? Je m'étais déjà fait un nom aussi prestigieux en seulement quelques mois ? Jusqu'où ma puissance pourra-t-elle me mener ? J'exagère. Seulement, c'était vrai que je ne m'attendais pas à ce que l'on me donne un titre aussi...Puissant ? Je n'étais pas véritablement aussi fort que les rumeurs l'annonçaient. J'avais eu assez peu d'adversaires, et les seuls qui s'étaient présentés à moi ne valaient pas vraiment le coup. Même un soldat avec qui je m'entraîne régulièrement était deux à trois fois meilleurs qu'eux. Ce surnom était alors complètement faussé, probablement pour attirer la foule.

Quoi qu'il en soit, ce n'était pas moi qui lui avait aidé à remarquer cela, mais bien Pegasus. Sur le coup, cela m'avait un peu frustré...Non, pas à cause de ça. C'était plutôt le fait qu'elle avait nommé Pegasus par uniquement le nom...LE Pegasus...Cependant, je n'allais pas commettre un meurtre ou même m'énerver pour ça. La jeune fille était innocente, elle semblait même ravi de voir le super Champion que je n'étais pas vraiment. Monsieur… ? C'était trop étrange. J'avais l'impression d'avoir gagné dix ans rien qu'avec ce mot.

« Arrête, Shaporo, c'est bon. Je n'ai que 19 ans après tout, cela ne doit pas être très loin de ton âge... »

Je lui adressais alors un doux sourire, même s'il n'était pas franc. C'était à peu près tout ce que je savais faire dans le social. C'était un peu comme mentir, mais ça ne l'était pas vraiment. Par conséquent, j'arrivais encore à le faire. J'étais même très doué pour le faire. En tout cas, je menai la demoiselle jusqu'à l'entrée de cette auberge.

« Et voilà, c'est celle-ci. Elle n'est pas très chère en terme de finance, et c'est un lieu où on peut dormir paisiblement sans trop risquer d'être perturbé par d'éventuels bruits de batailles, chevaux ou même bandits. »

Après tout, c'était un endroit plutôt sûr et en intérieur de Regna Ferox, c'était loin d'être la petite maison dans la prairie, ou bien l'auberge réputée au cœur de la ville. Mon devoir s'arrêtait là à-priori, même si j'aurais voulu en faire plus. Se faire bien voir par les habitants, c'était toujours un plus quand on apprenait les méfaits de la personne. Du moins, c'était à double tranchant, mais je prenais le risque.

« Si vous avez besoin d'autre chose, je serais à vingt mètres d'ici, avec mon ami. »

Le premier à dire qu'elle était pratiquement aussi jeune que moi ? Sérieusement ? Elle avait quoi...14 ans ? 16 ans ? Ce n'était pas si loin de mon âge. Après tout, le chiffre 5, 3 ou même tout ceux en dessous de 7, ce sont des nombres tout proches de zéro. Tu faisais quoi, un, deux, trois et c'était déjà fini. Quelques secondes suffisaient pour atteindre le chiffre but. Donc, au final, elle était réellement pratiquement aussi jeune que moi...Je vois pas pourquoi ça ne serait pas le cas…

Des propos qui m'avaient offensé ? Mais sérieusement, à quoi pensait cette fille ? Hormis cette petite chose à propos de Pegasus, qui était donc vraiment minime, elle avait dit quelque chose de dérangeant déjà ? J'en avais pas vraiment le souvenir en tout cas...Etrange, cette demoiselle, du moins, depuis qu'elle apprit que j'étais le Champion de Ferox. C'était comme si elle m'admirait en fait, même si je ne le méritais pas tant...

« Il n'y a pas de quoi vous excusez, vous n'avez rien fait de mal. Vous n'avez donc rien à faire pour moi. »

Si elle s'était un peu inclinée, je lui en avais empêché de le faire totalement. Je n'aimais pas trop cela, à vrai dire. Au contraire, je préférais même le faire moi, plutôt qu'en être la cause. Du coup, c'était bel et bien moi qui m'inclinait devant elle, avant de me retourner vers Pegasus. Je n'allais pas bien loin, juste à côté pour m'amuser avec mon ami de toujours. En m'éloignant un peu, je rappelai à la demoiselle que je ne bougeais pas avant un petit moment.