Cela lui avait prit d'avantage de temps que prévu de rallier Ylisstol, mais il y était finalement parvenu. Valhàlan rabattit la capuche de sa cape en arrière, dégageant ses cheveux blonds lumineux et dévoilant ses oreilles pointues. Ce n'était pas discret, mais il n'avait de raison de l'être. Il était loin d'Elsméra désormais, sa patrie. Penser à son île natale le fit immanquablement songer à ses enfants, laissés là-bas. Il n'y avait pas de raison de s'inquiéter pour eux, ils iraient bien. Il leur enverrai d'ailleurs une lettre le plus rapidement possible qu'il confierait à la Griffon-Poste pour les prévenir qu'il se trouvait en Ylisse pour le moment. Il allait commencer les recherches ici.

L'elfe soupira alors qu'il s'avançait au hasard dans les ruelles pour le moment. Il tenterai d'aller voir au château, tenter de parler au prince Chrom si jamais ce dernier aurait des informations sur Kykey. Une elfe noire, ce n'était pas rare, mais pas franchement commun non plus. Surtout seule et sans les siens. Et puis sa femme était la plus belle elfe du monde, si quelqu'un l'avait vu, il ne pourrait qu'être aussitôt frappé par sa beauté exotique, incapable d'oublier une apparition divine aussi parfaite ! Oui, si quelqu'un l'avait vu, il s'en souviendrai car personne n'oubliait Kykey, se convainquit Valhàlan, persuadé des charmes de sa femme – qui a vrai dire étaient valables pour lui, mais pas forcément les autres.

Et puis il y avait Ritchy aussi. Le prince d'Elsméra n'oubliait pas qu'en plus de son épouse, il recherchait également le jeune tagüel tigre qu'il avait vu grandir. Il espérait que le petit allait bien. Certes Ritchy était débrouillard, mais les circonstances de sa disparition n'étaient pas des plus rassurantes. Le gamin était un peu comme un fils, après tout. Il avait grandit sans présence paternel et avait donc bizarrement reporté son affection sur lui -probablement à cause de la couleur de cheveux... Valhàlan l'aimait beaucoup et se sentait responsable de lui, surtout depuis que sa mère était morte. Il devait le retrouver et le ramener à Elsméra, auprès de sa sœur. Il pourrait lui proposer de l'adopter officiellement également d'ailleurs. Son père n'approuverait sûrement pas, mais Valhàlan ne s'en inquiétait pas vraiment pour le moment. Tout ce qui importait c'était de retrouver les personnes chères à son cœur, peu importe le temps que cela lui prendrait.

Voilà donc pourquoi il parcourait actuellement les rues d'Ylisstol, un peu au hasard il faut le dire. Si autant Valhàlan avait un bon sens de l'orientation et pouvait retrouver son chemin dans une forêt les yeux fermés, en ville c'était une autre affaire et ses espèces de sens elfiques le liant aux arbres, ou dieu-sait encore quelle bêtise écologique du genre, ne lui servaient à rien. Et lever les yeux pour repérer le château qui surplombait la ville ne lui serait bien évidemment pas venu à l'esprit. Non il zieutait la foule, qu'il dépassait d'une bonne tête pour la plupart. Sait-on jamais des fois qu'il aurait vu un tigre ou une elfe aux cheveux noirs dans le lot.

Faudrait quand même avoir une chance de cocu pour tomber aussi facilement sur les personnes qu'on cherche.
   

Depuis sa fuite d’Elsméra, Ritchy vivait au jour le jour, tâchant de se nourrir aussi correctement que possible. Évidemment, avec les adorables petits orphelins qu’ils trimballaient systématiquement avec lui, il se devait de redoubler de vigilance – ce qu’il faisait de bien bonne grâce – et faire en sorte que leurs besoins à eux soient satisfaits avant les siens. Sa vie n’en était pas moins paisible, le tigre sachant comment se débrouiller comme un grand depuis le temps. Aujourd’hui, il avait profité que le marché ait étendu ses étals au cœur de la capitale pour aire l’emplette de marchandise et autre provisions bienvenues en cette saison.

N’hésitant pas à donner un coup de main aux marchands pour monter et démonter leurs stands avant l’arrivée des premiers clients, le Taguël était bien souvent – et pour son plus grand bonheur- rémunéré par le biais de nourriture fraîche et de belle qualité. Un sourire sur les lèvres et le voici reparti vers son repaire, quelques part dans une ruelle d’Ylisstol. Les enfants devaient l’attendre impatiemment et il détestait par-dessus tout faire attendre ces adorables bambins qu’il avait sous sa responsabilité. Un vrai grand frère dévoué s’il en était. Et pourtant, personne ne l’avait obligé à agir de la sorte. Ritchy, de tout temps, avait été une personne avec un cœur en or, prêt à donner ses vêtements au plus démunis et ne s’inquiétant que rarement de son propre cas. Une qualité ? Un défaut ? Tout dépendait du point de vue et encore une fois, ce n’était pas là-dessus que le regard de l’homme bête allait s’attarder.

Déambulant à travers les ruelles avec son lourd sac remplis à ras-bord, Ritchy se laissa même allé à chantonner, de bonne humeur comme il lui arrivait souvent de l’être ces derniers temps. Bien qu’il demeurait être fatigué par sa dernière nuit – courte et d’assez mauvaise qualité car remplie de cauchemars – il n’en laissait rien paraitre, faisant son petit bonhomme de chemin ans demander son reste à personne – d’autant qu’il n’apparaissait que comme un être humain normal, la magie elfique ayant admirablement bien fonctionné sur lui. Personne pour le dévisager, personne pour lui faire de mauvaises réflexions… Bref, le bonheur ! Il se plaisait de plus en plus en Ylisse, décidément ! Entre ces superbes trouvailles et sa rencontre fortuite avec la jeune et jolie mage quelques jours auparavant, cette ville lui inspirait paix et harmonie à tout les étages !
D’ailleurs, perdu dans ses rêveries un peu trop prononcées, le tigre percuta sans le vouloir une masse plus grande que lui, de plusieurs têtes. Mince, il aurait dû être plus prudent, quel imbécile ! se dit-il alors qu’il fit un pas en arrière dans le but de s’excuser de la bonne manière.

« Désolé, je ne regardais pas où j’all-… » Oh. Oups. Misère. Valhàlan. Youpi. Ou pas. Ou pas du tout, même. Déglutissant, Ritchy afficha un sourire nerveux, en coin et tenta une rapide échappée. « OH REGARDE LA BAS, UNE SAUTERELLE GEANTE ! »

Et hop-là, le voici parti à tout azimut, tâchant de ne pas lâcher son sac de provisions pour autant. Tonnerre ! Que faisait l’elfe qui avait fait office de figure paternelle lors de ces jeunes années ici bas ? Est-ce qu’il le cherchait… ? Le Taguël espérait vraiment que ce ne soit pas le cas. Avec autant de discrétion que possible – soit très peu – il vint se caler entre deux tonneaux vides au fond d’une ruelle où il s’était aléatoirement aventuré. Bon, ne pas faire de bruit et l’elfe partirait… Oui oui oui, il fallait s’en convaincre…

   

Trop occupé à regarder autour de lui et à souffrir du bruit incessant de la foule compacte, son ouïe étant bien plus aiguisée que celle d'un humains, mais inévitablement sensible également, de part ses oreilles pointues caractéristiques de sa race. Bref, Valhàlan – quelle idée d'avoir un nom pareil sérieusement chez les elfes c'est peut être cool, mais un humain le prononce mal une fois sur deux, c'est chiant à la longue ; enfin, il pouvait rien dire, c'était feu sa mère qui lui avait donné – ne faisait guère attention à ce qui se passait juste son nez, quelques étages plus bas. C'est pourquoi il se figea en sentant une masse le percuter et recula d'un pas afin de voir son interlocuteur, se préparant déjà à lui présenter ses excuses – et à lui demander par la même occasion s'il n'avait pas vu une elfe noire à la beauté ensorcelante mais pas touche c'est ma femme que tu mates sale pervers, dans les environs. Ou éventuellement un jeune garçon blond avec un air d'imbécile heureux collé au visage les trois quarts du temps.

Sauf qu'il y eu un bug mental en voyant qu'il était rentré dans une des deux personnes qu'il cherchait. Si sa première réaction fut d'être déçu qu'il ne s'agisse de sa précieuse Kykey, le prince elfique se reprit bien vite en constatant qu'il s'agissait de l'enfant qu'il appréciait tant. Ritchy était là, sous ses yeux, en vie et manifestement en bonne santé, c'était tout ce qui importait. Un sourire se dessina sur le visage de Valhàlan.

« Ritchy enfin ! Je ne m'attendais pas à .. hein ? Une sauterelle, ici ? »

L'héritier d'Elsméra eut alors la réaction la moins elfique du monde. Il se retourna pour chercher la sauterelle géante. Avant de comprendre que le gamin venait de le rouler en le voyant détaller comme un fou furieux.

« EH ! RITCHY REVIENS ICI ! AU PIED J'AI DIS, TU T'ES JOUE DE MOI ! » s'époumona l'archer en se lançant à sa poursuite.

Valhàlan, pour ton information, personne d'autre que toi ne serait assez co- crédule pour tomber dans un bobard aussi improbable et ridicule. Heureusement ses compétences en matière de pistage d'animaux en tout genre lui permirent de retrouver rapidement le fugitif. Ritchy était peut être assez petit pour se cacher dans des endroits exigus, mais le prince elfique était rapide et comprit rapidement en tournant dans une ruelle que s'il ne l'avait déjà rattrapé, c'est que l'autre était caché. Il lui fallut moins de trois minutes pour découvrir l'enfant qui autrefois le suivait partout en l'appelant à tord “papa”, dissimulé entre deux tonneaux. Un soupir le secoua tandis qu'il fronçait les sourcils et se plaçait face à ce dernier, montrant qu'il l'avait découvert.

« Aurais-tu oublié après tes semaines d'errance que j'étais un chasseur et qu'en tant que tel, si je suis capable de pister un lapin dans la forêt luxuriante, te retrouver dans la ruelle voisine est un jeu d'enfant pour moi ? » souffla le grand elfe, bras croisé sur son torse et se tenant droit devant lui, afin d'ôter à Ritchy toute envie de recommencer à jouer au chat et à la souris.

Il venait de le retrouver, il n'avait pas l'intention de le lâcher si facilement. Et d'ailleurs il ne comprenait même pas pourquoi le Taguël avait fui devant lui, c'était une première.
   

Bon, aller, ne soyons pas trop méchant envers Ritchy. Il y avait des circonstances atténuantes qui empêchaient clairement que les choses se passent comme il aurait souhaité que ce soit le cas. Vraiment. Enfin, ce n’est tout de même pas tous les jours que l’on a un chasseur elfique extrêmement doué dans son domaine au train ! Comment faire pour se cacher d’un poursuivant pareil ? Impossible. Il avait trois cent ans d’expérience dans le pistage – sinon plus, Ritchy ne saurait plus dire l’âge exact de Valhalàn pour dire vrai- ce qui laissait bien peu de chances au tigre pour se trouver une cachette digne de ce nom. Et si, plus jeune, l’elfe le laissait gagner le petit taguël qu’était le blondinet à l’époque, aujourd’hui le contexte était autrement plus différent et bien désavantageux pour le morpheur, il fallait bien le dire.

Lorsque l’individu élancé lui remit la main dessus, le sang de Ritchy ne fit qu’un tour dans ses veines. Oh non. Comment trouver une justification qui tienne la route en face de Val ? Cela sonnait comme impossible aux oreilles du tigre qui se ramassa un peu plus lui-même tout en rentrant sa tête dans ses épaules. Qui sait, peut-être qu’en pensant voir une espèce de mutation étrange sur la personne du Taguël, Valhalàn le laisserait tranquille ? Peut-être. Peut-être pas. Ce qui n’empêcha pas ledit jeune homme d’essayer quand même. En soit, il avait davantage l’air ridicule qu’autre chose mais il n’en avait pas réellement conscience, de tout cela. Et puis, ce n’était pas comme s’il n’avait jamais été ridicule de sa vie, au contraire. Se mettre dans de beaux draps et d’une manière si idiote était bien l’une de ses spécialités, à n’en point douter.

Pourtant, il ne pouvait pas non plus se terrer sans un mot éternellement ; même lui le savait pertinemment. Alors, rassemblant le peu de courage qu’il avait encore dans son corps, Ritchy déglutit audiblement et osa un regard de chaton battu vers l’elfe. Intérieurement, il priait très très fort Naga de lui accorder un peu de bienveillance. Il savait bien que sa plus ou moins figure paternelle voudrait le ramener à Elsméra mais lui n’en avait guère envie. Trop de souvenirs, trop de passif était resté derrière lui, sur cette île et cela lui convenait très bien ! Tout ce qu’il voulait, c’était justement qu’on ne le force pas à se rapprocher de l’atoll en question. Et puis même, il avait des responsabilités, maintenant ; des vraies de vraies ! Ritchy devait veiller sur les orphelins qu’il gardait auprès de lui. Il s’était auto-donné cette tâche et refusait de faillir en une quelconque mesure.  « Ah… Ah. Salut. Ca faisait longtemps, pas vrai ? »

Bon, autant ne pas mentir, il n’était pas très à l’aise dans ses chaussures. Ne sachant que dire, il ne fit alors qu’imiter les humains qu’il avait déjà vu à l’œuvre dans un contexte plus ou moins similaire à sa propre situation actuelle. « Tu… Es venu faire du tourisme dans le coin ? C’est vrai qu’Ylisstol est une très jolie ville ! »

C’est ça. On y croit. Ou pas.


   

Il n'avait pas changé, se dit l'elfe en voyant son protégé se ramasser sur lui-même dans le vain espoir sans doute de disparaître. Dans un sens c'était rassurant. Valhàlan avait imaginé le pire quand il avait découvert que Ritchy avait disparu de l'île. Il avait fouillé chaque recoin, chaque buisson d'Elsméra pour tenter de le trouver, en vain. L'enfant avait prit la mer depuis longtemps déjà et le prince était parti peu de temps après avoir inhumé sa mère et s'être assuré que sa sœur se remettait du choc. La douce Gaïa, qui désormais vivait dans le palais en compagnie de sa propre descendance, élevée comme l'une de ses filles. Valhàlan n'avait hésité une seconde à recueillir la petite orpheline qui n'avait nul part ou aller et il savait que si sa chère et tendre Kykey était encore à ses côtés, elle l'aurait approuvé.

Kykey... sa douce nymphe, sa muse ténébreuse, à la peau couleur étrange mais si attirante des abysses et aux cheveux soyeux couleur de la nuit. Comme il était ardu de ne pas penser constamment à elle, de ne pas ressentir la morsure douloureuse et glaciale de son absence à ses côtés. Les elfes étaient ainsi, c'était autant une bénédiction qu'un fardeau, mais lorsqu'ils trouvaient leur véritable âme sœur – ce n'était pas juste une question de tomber en amour, non, il s'agissait réellement de rencontrer l'être fait pour nous, notre moitié – ils aimaient d'un amour que les humains ne pouvaient comprendre. Et l'éloignement rendait cet amour tragiquement insupportable. Pour Valhàlan, cela faisait cent années déjà qu'il avait une continuelle douleur à la poitrine, du fait de la perte de son épouse adulée.

Chassant ces pensées, l'elfe préféra se concentrer sur l'instant présent et plus précisément, le jeune Taguël qu'il avait sous les yeux. Ce dernier daigna enfin ne plus le fuir, bien qu'il semblait très mal à l'aise. Craignait-il que Valhàlan le gronde ? Cela aurait été une possibilité, mais le prince était bien trop soulagé de retrouver son protégé pour y penser. Du moins dans l'immédiat.

« Oui, trop longtemps. La dernière fois que je t'ai vu, tu te trouvais sur Elsméra. Pas sur le continent. » souffla le grand être, quelques reproches tout de même au fond de la voix. « Et puis-je savoir pourquoi, au nom de Naga, as-tu fui en me voyant ? Je ne me souvenais pas que je t'effrayais ou te repoussais à ce point par le passé. »

Il aimerait bien comprendre en effet. Honnêtement, il aurait pensé qu'en le retrouvant, Ritchy lui aurait sauté au cou comme autrefois. Mais en quelques mois, certaines choses s'étaient vraisemblablement produites pour que le fils de Lunalyne perde certaines de ses habitudes. Il soupira, avant de répondre à sa tentative de changement de sujet – sérieusement, du tourisme ? Il avait une tête à faire ce genre de choses ?

« Je cherche ma femme. » répondit d'un ton plus froid qu'il ne l'aurait voulu Valhàlan – cela restait un sujet extrêmement sensible après tout. « Et accessoirement un jeune Taguël tigre blond, qui, il n'y a pas si longtemps encore, me sautait dans les bras en m'appelant “Père”. »

Il jouait la carte de l'affection, le saligot. Valhàlan avait prit le temps de s'endurcir à force de voir les êtres qui lui était cher disparaître tour à tour. Sa mère, Kykey, Lunalyne qui avait été une bonne amie et une figure maternelle à sa manière, et maintenant Ritchy... non. Si certains ne pouvaient être ramené à la vie, pour ce qui est de son protégé, il était sous ses yeux et il n'avait pas l'envie de le perdre de nouveau.
   

Ola, ola ,ola. Pour être dans une panade monstre, il l’était, pour sûr ! Ritchy ne savait plus ni quoi dire, ni quoi faire désormais. Une chose était certaine, Valhalan n’était pas le genre de personne a apprécier d’être fuit de la sorte. Le taguël tigre déglutit de manière audible – ce qui ne correspondait pas du tout à son image précédente, d’ailleurs -, écoutant ce que l’elfe avait à lui dire.

Oui, oui c’est bien vrai qu’il ne le fuyait guère, auparavant… Mais il ne comprenait pas les motivations de celui qui fut son protégé. Ritchy ne le fuyait pas en tant que tel, parce qu’il était l’elfe ayant servi de figure paternelle durant toutes ces années avant qu’il ne parte d’Elsméra. Non, ce n’était pas du tout la raison première de sa fuite. Seulement, désormais le blond, devenu adulte par la force des choses, avaient d’autres priorités dans la vie – comme s’occuper des orphelins qu’il chapeautait, par exemple.

Hors, il savait très bien que s’il voyait l’elfe, ce dernier voudrait le ramener chez lui. Enfin, ce qui fut chez lui, car désormais, Ritchy se voyait davantage comme un citoyen du monde que comme un réel Elsmérien. Ce n’était guère facile pour lui, en prime. Ca revenait presque à renier tout son vécu jusque-là. Le tigre se retrouvait entre deux chaises, sans vraiment savoir quoi faire. Il ne pouvait qu’agir à l’instinct et en face du prince elfe, s’affirmer dans cette voie n’était pas la chose la plus facile au monde.

Il sursauta un peu à l’entente un peu froide de la voix de Valhalan au sujet de ses occupations sur le continent. Ah, oui, c’est vrai... Kykey. Cette femme qu’il n’avait jamais vu auparavant. Elle avait disparue bien avant sa naissance sur l’île devenue refuge des derniers Taguëls encore en vie et bien portant. Il se sentit mal, tout à coup. Il n’imaginait pas ce que cela pouvait faire de pouvoir vivre si vieux sans jamais connaître de fin de manière naturelle. Vraiment, le jeune homme ne les enviait guère, ces elfes.
Un frisson le parcouru alors qu’il songea qu’il devait vraiment faire quelque chose pour changer de sujet une bonne fois pour toute.

« Je… N-Non je ne te fuis pas du tout mais… ».

Comment lui dire ? Comment lui montrer que lui aussi, maintenant, avait dans son sillage des gens qui comptaient pour lui mais surtout sur lui ? C’était difficile, bien plus que Ritchy n’aurait jamais pu l’imaginer, sans doute aucun.


   

Bon ça ne se passait pas réellement comme il l'aurait voulu. Ritchy semblait juste vouloir le fuir, courir le plus loin possible de lui. Son presque fils. C'était douloureux et incompréhensible. Avait-il fait quelque chose pour que le Taguël réagisse ainsi ? Il n'en avait pourtant le souvenir. A moins que l'enfant lui reproche de ne pas avoir pu sauver sa mère. Valhàlan s'en était voulu comme rarement lorsqu'il avait retrouvé le corps sans vie de la tigresse, arrivé trop tard sur les lieux du crime. Pauvre femme, si douce et gentille, qui avait toujours pour lui une parole agréable et pour ses enfants des sucreries dans les poches de son tablier. De tous les réfugiés, cette famille demeurait particulière au cœur de l'elfe.

C'est pourquoi il ne pouvait abandonner Ritchy. Un soupir traversa ses lèvres semi-closes. L'elfe décroisa ses bras et les laissa tomber le long de son corps svelte, sculpté par l'effort physique et disposant de cette grâce naturelle propre à son espèce. Il était fatigué.

« Peu importe. Je dois admettre, en tout cas, que je suis admiratif que tu sois parvenu à survivre par toi même jusqu'ici, seul. »

C'était vrai. Ritchy l'impressionnait. Ce n'était plus le petit enfant qui s'accrochait à ses jambes, le tigron qui mordillait ses mollets affectueusement. Son “fils” avait grandit et l'elfe s'en sentait fier comme s'il eut s'agit de son propre sang. Le Taguël faisait honneur à la mémoire de ses parents, il n'en doutait pas et était heureux de pouvoir le constater de ses propres yeux en ce jour de retrouvailles.

« Enfin. Tu m'expliqueras sur le chemin du retour ce qui te tracasses, si tel est ton désir. » souffla le prince en tendant la main pour l'attraper par le poignet, délicatement et souhaitant le relever et l'extraire de sa cachette. « Je te ramènes à Elsméra. »

Ce n'était pas une proposition. Sa sœur l'attendait après tout. Valhàlan n'aurait qu'à le reconduire jusqu'à l'île des elfes, il reprendrait sa quête de sa douce et tendre Kykey par la suite. Le Taguël devait rentrer chez lui, rien après tout ne semblait le retenir ici.